Afin d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques en médecine de ville, médecin traitant et infirmière spécialisée en santé publique s’associent pour permettre au patient, grâce à l’éducation thérapeutique, de s’approprier sa pathologie. Explications avec Lucie Legeard, infirmière Asalée à Annecy.
ASALEE, acronyme de Action de Santé Libérale en Equipe, désigne un protocole de coopération créé en 2004 qui permet des délégations d’actes ou d’activités des médecins généralistes vers des infirmières déléguées à la santé publique (IDSP) au sein d’un cabinet. Des infirmières que l’on appelle par métonymie “Asalee”. Leur rôle ? Redonner aux patients des compétences, des connaissances, pour qu’ils puissent vivre le mieux possible leur pathologie chronique. Pour que le patient soit acteur de sa santé. « À l’hôpital, on est dans l’action et le faire, resitue Lucie Legeard. Ici on est dans le faire faire par le patient ».
L’éducation thérapeutique au cœur de la prise en charge
Les infirmières Asalée passent beaucoup de temps à expliquer. « Il arrive en consultation de voir des patients malades depuis 6 ou 7 ans et qui ne connaissent quasiment rien de leur maladie. » Or les infirmières Asalée interviennent dans des cas qui nécessitent d’aménager la vie quotidienne. « Nous avons des protocoles validés par l’ARS pour les diabètes de type II ou pré-diabètes, les risques cardio-vasculaires, l’asthme, l’arrêt du tabac, les BPCO, les enfants en surpoids ». L’éducation thérapeutique permet d’ancrer dans les habitudes du patient les bonnes pratiques, la bonne observance des traitements. Le suivi s’inscrit dans la durée. « On les aide à trouver les solutions qu’ils vont pouvoir tenir dans le temps. Et ce qui est intégré va avoir une action sur le long terme. »
Plusieurs études ont montré une amélioration significative de la qualité de vie chez les patients, notamment diabétiques, grâce au protocole Asalée, qui a été étendu en 2012 sur l’ensemble du territoire.
Des délégations de pouvoir
Le protocole Asalée a modifié la prise en charge des patients, mais il a aussi créé de nouvelles interactions entre médecin et infirmière. « Dans tous les cabinets, on voit que la coopération avec les médecins est la condition sine qua non de la réussite de ce suivi. Il faut une relation de confiance. On ne travaille pas toute seule. Et inversement, le médecin tire profit des informations que l’on fait remonter jusqu’à lui. » Le temps d’échange avec les médecins est inclus dans le processus.
Au fur et à mesure, l’ARS a d’ailleurs élargi le champs d’action des infirmières, avec des actes dérogatoires pour faire réaliser des électrocardiogrammes par exemple. Ces délégations libèrent du temps pour les médecins et augmentent le temps – généralement très minuté - consacré au patient. « On a plus de temps d’écoute. Les patients nous disent des choses qui leur paraissent trop futiles pour être signalées aux médecins. » Et c’est là que les Asalées trouvent souvent des points à corriger.
Les infirmières Asalée sont plus proches des patients : elles sont dans le cabinet de leur médecin traitant. Les délais pour avoir un rendez-vous sont moins longs qu’à l’hôpital. Et, pour que les patients n’hésitent pas à avoir recours à elles, ils peuvent prendre rendez-vous sans prescription du médecin et la consultation est prise intégralement en charge par la CNAM.
L’entretien motivationnel
Les infirmières Asalée réalisent un “entretien motivationnel”. Développé dans les années 80 par William R. Miller et Stephen Rollnick, deux psychologues cliniciens américains, l’entretien motivationnel a d’abord été utilisé pour le traitement de la dépendance à l’alcool. Cet entretien centré sur le patient vise à l’encourager à changer son comportement en l’aidant à trouver ce qui le motive, ses objectifs, ses aspirations, ce qui le freine au contraire. Il s’agit pour le patient de mesurer l’écart entre ses habitudes de vie actuelles et celles visées. Ce travail d’identification des motivations personnelles est nécessaire pour l’adhésion au traitement médical, pour les addictions, pour les troubles alimentaires et pour devenir acteur de sa santé.
Parcours et repères
>> Diplôme : Les infirmières dites Asalée sont des infirmières diplômées d’Etat (IDE) qui font acte de candidature auprès de l’association Asalée pour exercer dans un secteur validé par l’ARS et disposant de médecins volontaires pour entrer dans le protocole. Il faut faire état de trois années d’expérience complètes. Les infirmières Asalee deviennent alors infirmières déléguées à la santé publique (IDSP)
>> Nombres de soignants concernés : En 2023, le protocole concerne 7 801 médecins généralistes et 1 792 IDPS
>> Salaire : entre 1800 et 2400 € hors prime.
>> Secteur : Les “asalée” exercent pour la plupart en tant que salariées au sein d’un cabinet médical ou d’un centre de santé, mais certaines font le choix du libéral (25 % en 2018).
>> Présence sur les territoires : 2 555 implantations sur le territoire.
Source : Bonne Santé Mutualiste