L’année a été extrêmement riche en événements sportifs de dimension internationale : Coupe du monde de rugby, Championnat d’Europe de football, Tour de France, Jeux Olympiques (JO) et paralympiques à Paris sont suivis de plus en plus largement par nous, spectateurs. Quelle est l’influence des compétitions internationales sur notre vie sportive au quotidien ? Sachant que 87 % des Français considèrent que le sport est aussi efficace qu’un traitement médicamenteux, que penser de notre rapport au sport ? Quelles valeurs le sport véhicule-t-il, entre injonction à la performance, à la compétition, et dynamiques des sports collectifs ou du handisport ?
Passée la ferveur des JO de Paris, les Français vont-ils en effet faire davantage de sport, ou bien cela restera-t-il un vœu pieux ? C’est la question que se sont posée de nombreux médias, à la recherche d’indices comme le bond de 28 % de la fréquentation de certaines enseignes de sport à la mi-août ou encore le taux d’inscriptions dans le club sportif pour la rentrée.
Un “effet JO” plus tangible pour les sports peu connus
C’est sur les pratiques généralement plus confidentielles que la médiatisation des disciplines olympiques a clairement un impact. Le club de tennis de table de Montpellier où s’entraînent les frères pongistes Félix et Alexis Lebrun, médaillés de bronze en individuel pour le premier et par équipe, a dû ouvrir les adhésions plus tôt, dès début juillet, et créer de nouveaux créneaux pour les cours particuliers.
Nul doute aussi que les performances de Léon Marchand ont suscité des vocations pour la natation : « On reçoit 20 à 30 % de demandes en plus que d’habitude », expliquait cet été aux médias le directeur du club toulousain du nageur aux cinq médailles. Les clubs de natation artistique ont aussi enregistré une hausse des inscriptions et, à Montpelier, une équipe “poussines” dédiée aux enfants de 5 à 8 ans a été créée.
En France, en 2022, 8,8 millions de licences sportives avaient été délivrées par des fédérations sportives olympiques et 1,7 million de licences en disciplines non olympiques : ces chiffres de l’Insee devraient connaître un coup de boost, phénomène récurrent après les JO.
Les fédérations, après les JO de Tokyo en 2021, avaient constaté une progression de 5 à 10 % de licenciés supplémentaires. Une aubaine pour les clubs dont la fréquentation s’était émoussée notamment à cause du Covid-19.
Chiffres à l’appui
> 9,5 millions de billets ont été vendus pour les Jeux Olympiques de Paris 2024, un record.
> 60 millions de téléspectateurs, en France selon Médiamétrie, ont regardé les JO de Paris 2024.
> 25 % des Français feront plus de sport grâce aux JO, selon l’enquête menée par Odexa.
Redonner envie aux jeunes
Beaucoup de jeunes, qui avaient arrêté leur pratique pendant la pandémie, se sont réinscrits. Ainsi, le judo, un peu boudé par nos enfants, devrait là aussi retrouver des adeptes avec le coup de projecteur sur Teddy Riner. Mais certaines disciplines ont enregistré une progression dès le début de l’année, bien avant les JO. L’Institut national de la jeunesse a indiqué qu’en 2023 les licences sportives avaient augmenté de 8 %. Les autres grandes compétitions de l’année – et leur médiatisation – ont donc joué. Et cela indépendamment des performances, si l’on en croit Philippe Cordazzo, professeur et démographe à l’université de Strasbourg.
En rassemblant les données de plusieurs fédérations pour analyser l’incidence des JO de Rio en 2016 et de Tokyo en 2021, il a constaté qu’un tiers des fédérations voient leurs effectifs rester stables, un autre tiers les voit augmenter, tandis que le dernier tiers accuse une diminution ! Le tout sans lien avec les résultats.
Par exemple, en 2021, les équipes françaises masculines de volley-ball et de handball ont chacune obtenu une médaille d’or. Cependant le nombre de licenciés de volley-ball a augmenté de 35 %, tandis que celui des adeptes de handball a baissé de 2 %. Un ensemble de facteurs entre donc en ligne de compte, selon Philippe Cordazzo : « la médiatisation du sport, l’attachement affectif à une équipe ou à un sportif, l’identification à un sportif emblématique, la communication mise en place par une fédération pour capitaliser sur les performances, la taille de la fédération, sa capacité à accueillir de nouveaux pratiquants... »
En 2003, à la suite des Mondiaux d’athlétisme à Paris, les enfants s’étaient rués sur cette discipline, mais les fédérations, pas prêtes, ni en infrastructures ni en éducateurs spécialisés, n’avaient pas pu donner satisfaction à tous. L’envie est une chose, encore faut-il se donner les moyens d’être une nation sportive. D’où une certaine prudence des projections pour 2024, qui tablent seulement sur une hausse de 6 % de nouveaux licenciés.
La France, une nation sportive…
Bien que le budget du ministère des Sports soit seulement de 0,2 % du budget de l’État, la France est une “nation sportive”, reconnue dans les compétitions internationales – elle est à la 5e place au tableau des médailles des JO cette année – et s’appuie sur un modèle d’organisation du sport hérité des années 1960, avec ses fédérations agréées, son maillage territorial adossé à l’activité des associations et des bénévoles. On compte en France 13 000 clubs de football (avec 2 millions de licenciés), 4 000 clubs de basket, 2 300 pour le handball, 1 800 pour le volley-ball. C’est là que sont repérés les jeunes talents. Et c’est cette structuration qui explique que la France soit la reine des sports collectifs.
Le ministère de la Jeunesse et des Sports indique que, depuis 2017, l’État a investi plus d’un milliard d’euros aux côtés des collectivités locales pour la construction ou la rénovation de 1 500 structures sportives et 7 000 équipements de proximité, auxquels s’ajoutent « des mesures en faveur du bénévolat », le « déploiement de services civiques », le « soutien au recours au salariat ». Insuffisant, estiment de nombreux dirigeants de fédération, qui refusent chaque année des demandes faute de moyens. Vieillissant, alertent-ils aussi : l’opération “1 000 piscines” lancée en 1969, notamment les emblématiques “piscines tournesol” circulaires, date un peu…
Depuis, il n’y a eu aucun plan national de construction, des collectivités territoriales ont fermé leur piscine à cause du Covid-19 ou de la crise énergétique, les bâtiments deviennent vétustes. Or, plus on a d’infrastructures, plus il y a d’engouement pour les sports. C’est ce qui permet de passer d’une “nation sportive” à une “nation de sportifs”. Mais, dans l’Hexagone, c’est compliqué : les Français sont soit des champions, soit des spectateurs.
… mais pas une nation de sportifs
Par “nation de sportifs”, il faut entendre un pays où la plupart des habitants intègrent l’activité physique dans leur routine quotidienne, comme nos voisins néerlandais qui ont une culture forte du vélo et des activités de plein air.
Selon l'Eurobaromètre, environ 51 % des Français pratiquent une activité physique au moins une fois par semaine, alors que 70 % des Suédois ou des Finlandais sont physiquement actifs de manière régulière. L’OMS et l’OCDE estiment que la France fait partie des pays européens où le manque d’activité physique pèse le plus sur les dépenses de santé avec 1 milliard d’euros pour soigner des maladies liées à une activité physique insuffisante, aux côtés de l’Italie (1,3 milliard) et l’Allemagne (2 milliards).
La population française, notamment dans les zones urbaines et chez les jeunes, est de plus en plus sédentaire, ou bien pratique le sport de manière trop occasionnelle, davantage comme un loisir (souvent estival) que comme un mode de vie tout au long de l’année. Cependant, les Français, pas à un paradoxe près, sont convaincus des bienfaits du sport ! 87 % considèrent même que le sport est aussi efficace qu’un traitement médical ! Or, les études montrent que les personnes qui intègrent le sport dans leur vie quotidienne sont celles qui avancent l’argument “santé” (davantage que la notion de plaisir). En toute logique, les Français devraient donc être sportifs…
Le sport, pour la santé et le vivre ensemble
« Il faut avoir cette vision du sport comme activité à placer au cœur de la vie de tous, à l’école comme à l’Ephad », rappelait le président du Comité d’organisation des Jeux de Paris 2024, Tony Estanguet, à l’issue des épreuves. « Le sport, c’est un moteur fou. À chacun de nous, Français, de continuer à faire vivre cet esprit-là. » La pratique sportive offre des bénéfices multiples : santé, inclusion, vivre ensemble.
Les pouvoirs publics promeuvent la pratique sportive pour des raisons de santé publique comme d’insertion sociale pour les populations défavorisées. « Les politiques des dernières années se servent du sport comme d’un outil d’insertion sociale et professionnelle de populations fragilisées, vulnérables, en décrochage scolaire, en proie à des difficultés économiques et sociales ou en recherche d’emploi. C’est ce qu’on appelle le “sociosport”, le sport au service d’une utilité », explique Marina Honta, enseignante-chercheuse à l’université de Bordeaux et spécialiste des politiques publiques du sport et de la santé. « Malheureusement, ces programmes vivent des cycles d’émergence et de désintérêt en fonction de l’agenda politique et reviennent seulement après des violences urbaines. » Ainsi, après les émeutes dans les quartiers populaires à la suite du meurtre de Nahel par un policier, dans les Hauts-de-Seine, l’été dernier, les collectivités ont relancé des projets de construction d’infrastructures sportives.
On peut souhaiter que les Jeux paralympiques relancent des programmes qui intègrent davantage les sportifs et sportives en situation de handicap. La politique du sport dépasse les clivages politiques. Pour Valentin Guéry, sociologue spécialiste des rapports entre le sport et la politique, c’est même un des rares sujets où il y a un consensus : le sport est bénéfique pour la santé, il fédère, il doit être accessible à tous. C’est d’ailleurs le tissu associatif qui anime la vie sportive locale, sans souci d’étiquettes politiques, sans discrimination sociale et souvent de façon intergénérationnelle, avec l’envie de faire participer le plus grand nombre et non seulement d’être en compétition.
Les mutuelles, qui soutiennent de nombreuses initiatives sur les territoires, concourent à ces dynamiques qui conjuguent promotion de la santé et solidarité.
** QU'EST CE QUI NOUS MOTIVE ? **
Si rester en bonne santé est la principale motivation à faire du sport pour 71 % des Français, l’envie de pratiquer une activité physique est déclenchée par un ensemble de facteurs psychologiques, sociaux, et physiologiques.
« Un élément déterminant dans l’investissement à long terme est la qualité de la motivation, l’autodétermination, à savoir “est-ce que je fais les choses pour moi ?”, “est-ce que j’en ai envie ?”, plus qu’un engagement fondé sur des injonctions (récompense, pression sociale, etc.) », souligne Emma Guillet-Descas, enseignante-chercheuse au Laboratoire sur les vulnérabilités et l’innovation dans le sport à l’université Lyon I. Voici les principaux éléments déclencheurs ou facilitateurs :
>> Le plaisir et le bien-être mental - Le plaisir ressenti lors de l’activité physique, qu’il s’agisse des sensations produites par la mise en mouvement du corps, de la libération du stress, du sentiment de bien-être après l’effort.
>> L’ autodétermination et l’estime de soi - La satisfaction de choisir son activité, de se sentir capable de réussir, de faire partie d’un groupe.
>> La santé - Le désir d’améliorer ou de maintenir une bonne santé (perdre du poids, renforcer son système immunitaire, prévenir les maladies), de contribuer à sa longévité.
>> L’apparence physique - La quête d’une meilleure apparence physique, soit pour perdre de poids, soit pour gagner en muscle, en tonicité.
>> L’exemple - Les amis qui pratiquent, les rencontres possibles en s’inscrivant dans un club, l’exemple donné par des athlètes peuvent inciter à pratiquer un sport. La médiatisation du sport joue aussi ce rôle.
>> L’accès - La proximité et l’accès à des installations sportives, à des parcs, à des pistes cyclables, à des cours et à des événements sportifs auxquels participer facilitent la pratique régulière d’une activité physique.
Les mutuelles, grandes prescriptrices d’événements sportifs
Les événements sportifs dont les mutuelles sont partenaires sont généralement associés à des actions de prévention et de sensibilisation (dépistage du cancer du sein, de la prostate notamment) et affichent un bon niveau de participation. Les Français préfèrent courir pour une bonne cause. Vous retrouvez dans le cahier central de chaque numéro de Bonne Santé Mutualiste ces initiatives au grand cœur qui créent un cercle vertueux !
Si les mutuelles mettent en avant les événements sportifs et la pratique du sport, c’est parce que, on ne le dit jamais assez, le sport est le meilleur allié de la santé : 68 % des personnes se déclarant en bonne ou très bonne santé sont des pratiquants sportifs réguliers, et on estime à 3 ans le gain en espérance de vie lorsque la pratique sportive est régulière, soit 15 minutes par jour ou 92 minutes hebdomadaires.
Source : Bonne Santé Mutualiste